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C’est récurrent, lors de la mise en place d’une formation, le formateur négocie bec et ongles sa production avec le mandant. Quid de la protection du support de cours? Comment verrouiller la diffusion de ce trésor? Ma réponse: il n’y a pas de protection absolue. Ceci est mon opinion et, je suppose, celle de beaucoup de mes pairs. Si tel n’est pas le cas, qu’ils me jettent la première pierre…

En tant que directeur de cours, j’ai une exigence en début de formation: qu’on me remette les supports de cours. C’est là que je me heurte à un mur. Je réalise que le formateur défend son travail avec une fougue inégalée: «Bas les pattes, hors de mon chemin, rapace! Je ne me laisserai pas spolier de moult heures d’un dur labeur pour la création de ce bijou, de cette perle, de ce trésor incomparable.» Réaction légitime au demeurant, mais est-ce bien raisonnable?

Premièrement, il faut différencier le support de cours du support d’animation. Le premier est un document qui distille la vérité, la substantifique moelle de la matière, c’est une œuvre magnifique pour laquelle le formateur a sué sang et eau, passé des nuits blanches et sacrifié un nombre d’heures incommensurable. Le second est une projection PowerPoint (tout aussi précieuse que le premier) destiné à illustrer le propos du formateur durant son cours.

Malheureusement, trop souvent, je dois constater que les deux supports susmentionnés, dans un souci d’économie d’énergie (sauvons la planète du réchauffement climatique!) ont été fusionnés et, que ce qui sera projeté sera imprimé, et par conséquent doit être protégé (cf. loi sur la propriété intellectuelle, copyright © et compagnie).

Bien entendu, le travail original doit être défendu contre le plagiat. Bien entendu, toute version électronique doit être bannie afin que nul ne s’en empare et que l’auteur ne soit spolié de son œuvre. Mais là où le débat se fourvoie, c’est quand le formateur réinvente l’eau chaude, le fil à couper le beurre ou la roue.

Dans bon nombre des thématiques traitées en cours, des bibliothèques entières abondent de documentation. Des hectares de forêts sont consacrés à la production de papier qui garnit les rayonnages des libraires spécialisés ou grand public et attendent de trouver des lecteurs attentifs. Quelle théorie n’a pas encore été explorée par un professeur-docteur inconnu au fond d’une université, par un chercheur de génie?

Là où on atteint des sommets d’incohérence, c’est lorsque le formateur veut protéger son travail qui lui est truffé de recyclage d’autres théoriciens. J’ai côtoyé des formateurs qui refusaient de fournir leur support à l’avance alors que ce fameux support citait, à toutes les pages, d’autres auteurs. En deux mots, je ne veux pas qu’on copie ce que j’ai déjà copié ailleurs.

N’oubliez pas qu’aujourd’hui, avec un bon équipement informatique et un logiciel de qualité, n’importe quel document électronique ou même papier (scanné), peut se «démonter», être remis en page et récupéré par n’importe quel plagiaire amateur.

Quant à l’animation (et son support), le métier de formateur a changé. On «enseigne» davantage qu’à l’école. En formation professionnelle, on transmet. Finie la technique du Maître vénéré qui dispense son savoir suprême. Finie la vérité vraie détenue par l’Être supérieur qui, dans sa grande bonté, accorde quelques miettes de sa connaissance absolue (bon d’accord, j’en fais des caisses, mais dans certain cas, on n’est pas loin de ce type d’attitude). Le formateur moderne, accompagne, partage et suscite l’échange, apporte du savoir-faire, du savoir-être. Le formateur qui suit ces derniers préceptes n’est pas et ne peut pas être plagié. La plus-value n’est pas dans le papier (ou le document électronique), elle est dans le cours en lui-même.

Alors je conseille vivement, à ceux qui clôturent de barbelés leurs documents de cours, de changer de méthode: allez donc piocher dans la bibliothèque ce que d’autres ont déjà dit avant vous; utilisez ce qui est déjà disponible. Quant à votre projection PowerPoint, diffusez-la sans vous préoccuper de ce qu’elle deviendra. Que celui qui veut réutiliser les trois bullet-points et les deux graphiques récupérés sur Internet le fasse; jamais il ne pourra atteindre la qualité de votre prestation. C’est vous qui formez, pas PowerPoint!

Blaise Neyroud, Directeur de cours au Centre Patronal
bneyroud@centrepatronal.ch