L’apprentissage, une expérience grandeur nature

Les mises en situation comportementale – soit le fait de placer un individu dans une situation proche de la vie professionnelle, avec un rôle à endosser, un objectif à atteindre et des ressources à disposition – remportent  un excellent score dans les évaluations prédictives. C’est pourquoi l’aprentissage est souvent utilisé dans les centres d’évaluation ou dans tout dispositif qui a vocation à évaluer la personne.

Ainsi en va-t-il de certains examens professionnels où le jeune candidat est mis en situation.

Les entreprises d’entraînement qui suivent cette logique de mise en activité ont rarement une vocation lucrative. Lorsque c’est le cas, l’entreprise doit réaliser un chiffre d’affaires et le stagiaire rendre des comptes à sa hiérarchie et au client. Il y a un véritable enjeu, tellement proche de celui de la vie professionnelle qu’elle donne un sens particulier au travail qu’effectue l’individu.

La formation professionnelle duale prend à son compte ce double avantage: le sens du travail et l’enjeu, soit ce qui me tire en avant et me pousse à ne pas reculer; en termes plus populaires, c’est la carotte et le bâton, mais avec tout ce que ces deux éléments ont de noble.

Et les faits sont là pour le prouver; le jeune apprenti signe un contrat de travail de droit privé, à durée limitée et assorti d’une relation de formation.

Mais il est donc là pour travailler, pour apporter sa pierre à l’édifice de l’entreprise, pour exécuter un travail qui a du sens, parce que ceci participe d’une procédure ou est directement utile à un client. Le jeune prend ainsi conscience de sa place dans la société; il devient quelqu’un, il fait partie d’un groupe. Quant à l’enjeu, il est dicté par les termes du droit du travail.

Le jeune apprend également et son apprentissage est contextualisé d’une part et répond aux dernières exigences du métier d’autre part.

C’est ainsi que la formation professionnelle duale telle qu’elle est pratiquée en Suisse se différencie de l’apprentissage plein temps qui propose des stages en entreprise, ou de celui observé dans d’autres pays, où l’école est le centre d’enseignement et l’entreprise un lieu de mise en pratique.

L’apprentissage dual est ainsi une école à l’échelle un/un.

Hormis les avantages incontestables de ce mode de formation pour l’économie du pays, il représente un enjeu de société.

Il n’est pas besoin d’être grand clerc pour s’apercevoir de l’importance grandissante du monde virtuel et de l’intelligence artificielle. Cette montée en puissance de l’immatérialité globalisée comporte de grands risques contre lesquels la société semble, pour l’instant, impuissante. Si de nombreux cris d’alarme sont lancés, bien peu d’actions sont menées.

En ce sens, rester le plus possible en contact avec une réalité matérielle semble le plus simple des remèdes.

La formation professionnelle duale, de par la nature même de son système, contribue à cet ancrage dans le matériel. Souhaitons-lui longue vie!

Emmanuel Rossi, Responsable  de la comission ARFORum
emmanuel.rossi@arfor.ch