Redonner ses lettres de noblesse à la salle de cours à l’heure digitale

Sonia Orellana, responsable de formation au CEP, explique les évolutions attendues au niveau des formations en présentiel.
 
La salle de cours est un tout. Elle apporte la théorie, les exercices, la mise en application, l’évaluation. Elle permet aux participantsde sortir de leur contexte professionnel pour prendre du recul et changer de perspective. Mais lâcher sa place de travail sur plusieurs jours pour s’impliquer dans la formation représente un réel défi. En conséquence, les attentes grandissent du côté des participants.
 
Partant de ce constat, l’équipe pédagogique du CEP cherche à identifier les activités indissociables de la salle de cours. Grâce aux mises en situation, aux simulations, aux jeux de rôle et autres exercices originaux sortis de l’imagination du formateur, le participant repart avec des outils pour appréhender les nouvelles situations. Seule la salle de cours permet ce niveau d’expérimentation dans un endroit «protégé». Le plaisir de réfléchir ensemble et de mettre une dizaine de cerveaux à contribution pour résoudre un problème représente un luxe irremplaçable. Les échanges de bonnes pratiques entre pairs, vivants et dynamiques, vont bien au-delà de la théorie. Et qu’est-ce que ça fait du bien de se rendre compte qu’on n’est pas seul à buter contre ce même mur!
 
Une salle de cours en évolution
 
Repenser la salle de cours, c’est d’abord revoir ce qui peut être enseigné autrement et de manière plus efficace. Les canaux de formationsont désormais multiples: lectures, e-learning, vidéo, forum, world café, mentoring, on-the-job training, learning games, visites sur site et présentiel. L’objectif est de développer une approche multidisciplinaire de la formation. En fonction de la matière à transmettre, sélectionner le canal le plus adapté pour en assurer l’acquisition.
 
Face aux nombreuses technologies pour favoriser les échanges, les formateurs ne sont pas tous égaux. «Tout est là mais je ne suis pas sûre qu’on sache tout bien utiliser» comme le souligne Sonia Orellana. On constate aussi beaucoup de disparités du côté des participants. Trouver les bons outils, faciles d’accès et d’utilisation pour tous, représente un vaste chantier et le CEP en a fait une de ses missions. Il trie, sélectionne des sources de qualité et pertinentes, les vérifie et les rend accessibles.
 
Ainsi un collaborateur qui a identifié un besoin dispose de nombreuses possibilités d’appendre par lui-même avant d’arriver à la salle de cours. Sur le site web du CEP il trouvera peut-être déjà en quelques minutes un article, un quizz, un lien vers un site, une vidéo qui lui apportera la réponse qu’il cherchait et la mission de formation peut s’arrêter là. Elle peut aussi se poursuivre via une séquence de e-learning et un quizz d’auto-évaluation. Il pourra enfin s’inscrire à une formation, voire s’engager pour une certification. Le CEP vise la simplification avec la formation là, où et quand on en a besoin, ainsi que l’ouverture à d’autres lieux d’apprentissage en «cassant» le concept de la salle de cours tel que nous le connaissons.
 
La salle de cours devient un des canaux de formation avec ses spécificités, au même titre que l’apprentissage on the job ou YouTube. Loin de la dévaloriser, il s’agit de lui redonner une valeur ajoutée en cohérence avec le monde dématérialisé d’aujourd’hui, d’en faire un lieu où les gens apprécient d’autant plus de se rencontrer pour
travailler et apprendre ensemble, sur la lancée des espaces de coworking qui se développent beaucoup.
 
Des implications pour les formateurs comme pour les participants
 
Le défi pour les formateurs est d’envisager leurs programmes sous un angle nouveau, d’identifier tout ce qui peut être sorti de la salle de cours en gardant l’équilibre entre théorie et pratique. Ils doivent adopter une approche multidisciplinaire, intégrer les NTIC dans leur pratique, s’adapter à des participants qui sont nés avec et valoriser leur cours à côté de tout ce qu’offre déjà le web. C’est normal que ce mouvement prenne du temps, car c’est un des plus difficiles à mettre en œuvre. Ce sera plus facile pour la nouvelle génération de formateurs.
 
Ces évolutions questionnent aussi la posture du formateurqui n’est plus seul à véhiculer la formation et doit valider les autres canaux. Il doit être ouvert au challenge par un participant qui en sait plus que lui et en tirer parti. La valeur ajoutée que le formateur apporte en tant que personne est incomparable, c’est là où il pourra également se renforcer. Mais il devra ajouter à sa panoplie déjà importante les rôles de coordinateur, d’orienteur, de veilleur, de réseauteur pour faire non seulement des liens avec des ressources mais aussi des personnes. Le réseau amène tout naturellement vers la notion d’open source, principe cher au CEP. C’est indispensable pour innover, au même titre qu’il faut essayer, «faire en allant» et accepter de se tromper. Cette stratégie est portée par son directeur, Pierre Jacot et le Conseil de Fondation.
 
Le participant aussi va devoir changer sa façon de faire car il sera sollicité d’une autre manière via les différents canaux de formation. Là aussi le CEP se prépare à communiquer et initier les participants à ces nouvelles façons de faire.
 
Et dans 20 ans?
 
Sonia Orellana voit la salle de classe comme un espace de coworking. Elle s’enrichira de zones différentes, dédiées, tantôt pour réfléchir, tantôt pour essayer, tantôt pour dessiner ou prototyper. Actuellement elle est encore orientée sur le formateur, elle regarde toujours dans un seul et même sens. C’était approprié jusqu’à présent, mais ce n’est plus suffisant. Elle devra pouvoir regarder partout, une vision à 360° dans un lieu modulable, avec des tables rondes, des tables hautes, des canapés, des cloisons mobiles où écrire et afficher, des murs tactiles connectés sur le web. La salle de cours dans 20 ans sera un espace ouvert sur le monde et Sonia Orellana se réjouit de vivre ce nouveau virage.
 

 
Sonia Orellana, Responsable de formation au CEP
sonia.orellana@cep.vd.ch